la messe

J'arrivai donc sur le parking non des anges mais de la place de l'église et garai mon véhicule sous l'unique et imposant tilleul de ladite place dont j'ignorais le nom. D'ailleurs je ne sais même pas si elle portait un nom cette place. Aucune importance, une place c'est une place et c'est fait pour s'y arrêter. C'est un endroit conçu pour y être occupé soit par une chose, soit par une personne. En l'occurrence il s'agissait ici d'un espace public devant être utilisé en tant que tel pour sa fonction de stationnement. Mais comme je suis quelqu'un qui n'aime pas déroger à ses habitudes, j'ai glissé ma voiture comme tous les dimanches quand la place n'était pas prise sous le tilleul de la place. De toute façon elle était rarement prise cette place; pour ne pas dire jamais. Ce qui fait que je m'y arrêtais à chaque fois; enfin le temps de la messe du dimanche matin. Et puis ça me rassurait de garer ma voiture sous ce tilleul; non pour ses inflorescences odorantes aux vertus apaisantes et calmantes particulièrement développées en ce mois de pentecôte; mais pour le côté protecteur qu'il dégageait de par sa facture chaleureuse et enveloppante qui du tronc aux branches ne faisait aucun 
doute sur le caractère séculaire donc représentatif d'une grande sagesse.

                                                                                                                    
Indépendamment de mon petit côté maniaque, bien rangé, ordonné, j'avais l'impression d'être à l'abri sous ce tilleul, de me protéger d'éventuelles mauvaises influences. Dépendamment, c'était certain. Je cherchais le meilleur endroit me  permettant de vivre de façon optimale la messe en minimisant le risque d'incident dont mon véhicule, donc moi, aurait pu faire l'objet. C'est ma façon sans doute obsessionnelle d'évacuer l'angoisse avec laquelle je me bats tous les jours que Dieu fait. J'anticipe les évènements chaque fois que je me trouve dans une situation de rapport aux autres. Enfin j'essaye d'anticiper; parce que je désire anticiper le désir de l'autre. Avoir la maîtrise sur la faute, la méprise, le malentendu, donc la souffrance à venir. Pourtant plusieurs fois, par expérience, j'avais pu me rendre compte du caractère aléatoire voire contradictoire d'un tel raisonnement. Mais ce n'est pas le raisonnement qui en soi pose problème, c'est moi. Parce que je ne peux pas m'empêcher de me risquer à penser le contraire. Question de confiance en soi, confiance aux autres. En vérité je n'existe pas sans l'autre et l'autre sans moi. 

Il faudra bien qu'un jour j'analyse sérieusement ce mode opératoire, dysfonctionnel et perturbant de ma pensée. Faire un examen de conscience…